Les chroniques du placard

Il était une fois, une tribu de vieux volets violets qui vivaient là-haut dans la montagne.
Fatigués et usés par des années d'intempéries, le froid mordant des hivers et les brûlures du soleil, ils quittèrent un matin leur alpage, et c'est à la queue leu-leu qu'ils rejoignirent le village en grinçant, pour se blottir bien au sec sur la voûte d'un vieux four à pain abandonné.
Marqués et rongés par les ans, oubliés par les hommes, les vieux volets violets dormirent pendant de longues années sous la poussière.

Et voilà t-i pas qu'un beau jour, Mel débarqua au village pour y poser sa valise, ses mômes, son Jules et ses cartons d'essence de térébenthine. Ménage, bricolage, jardinage et réparage, ce fut comme une tornade au pied de l'alpage.
Les volets baissaient la tête dans la pénombre, sans un bruit pour échapper à la furie.

Mais la tornade avait de bons yeux, des idées plein la tête, et une patience infinie. Alors bien des années plus tard, quand l'heure fut venue, le projet de renaissance des vieux volets violets commença. Il devenait urgent aussi de les sauver de la décrépitude, car la vermine avait commencé à coloniser les pauvres volets, les rongeant à petit feu.
Aidée de ses guerriers Bosch et Moulinex, sous l'oeil bienveillant de St Marc, Mel entreprit alors de sauver la tribu des vieux volets violets. Le premier, trop surpris sans doute, ne résista pas au traitement de choc, et se brisa dans un nuage de sciure.
Heureusement les cinq suivants étaient en meilleur état, mais il fallut bien des heures de travail pour leur redonner un aspect présentable.

C'est avec les doigts raccourcis de quelques centimètres par le ponçage que Mel put enfin admirer le résultat. Qu'ils avaient fière allure les vieux volets, débarrassés de leur peinture de  &##@!!
Le projet avait mûri, les plans tracés par son Jules, la bonne place trouvée, il suffisait juste de s'y mettre. Juste.
Quelle aventure ce placard, mais un beau travail d'équipe et une fierté non dissimulée.

D'ailleurs les chevilles ne sont pas les seules à avoir enflées, le bedon a suivi, un Polichinelle sur l'étagère.

Le placard aux volets abrite aujourd'hui bien des trésors, une multitude de cachettes, des boîtes qui renferment encore bien des histoires... mais chut...

Parfois, les soirs de pleine lune, on entend craquer et chuchoter au fond de la chambre... Au petit jour, les portes du placard gardent des traces de rosée sur les persiennes, une fleur de soldanelle collée sur le côté, une odeur de joubarbe qui se grille au soleil...